[Hugo]

Eté 2011. Richard et moi avons depuis un moment l'envie d'aller à Berlin. Cela nous vient d'une affinité commune pour nos amis d'outre Rhin. Qui plus est, Berlin est le berceau d'une mixité culturelle que nous avons eu l'occasion de découvrir et que nous voulons refaire ensemble.

Je viens d'avoir mon permis moto et après avoir roulé en Peugeot 101 puis avec une Gima, je roule désormais avec une Terrot HST de 1930.

Quant à lui, Richard termine la restauration de sa Terrot HLG de 1932. Nous avons donc deux machines similaires à deux années près, deux 350cc à soupapes latérales. Bref, deux soeurs !

Nait alors l'idée ou plutôt l'utopie d'aller à Berlin avec nos anciennes. Cela représente plus dde 1800km rien que pour l'aller... Pour des questions de temps (Richard et moi travaillons encore tout le mois de Juillet), nous décidons alors plus raisonnablement de graviter autour de notre département (la Gironde), direction la Charente puis la Dordogne pour finir par le Lot-et-Garonne. Départ de Bordeaux direction Angoulême donc, chez les parents de Richard. Cela ne se fera pas sans encombres...

En un clin d'oeil, nous avons baptisé ce voyage de sept jours " Berlin I " qui sera notre coup d'essai car nous n'abandonnerons pas l'idée de rouler à Berlin !

L'itinéraire de départ vaguement esquissé avant de se lancer dans l'aventure... on ajustera la feuille de route au jour le jour.

[Richard]

Jour-J : départ de Bordeaux sous une magnifique journée ensoleillée, il faisait très chaud.

Première leçon, partir avec au moins une bouteille d'eau.

Comme si nos machines n'étaient pas assez chargées. La HST et la HLG croulant sous nos divers petits paquets.

Première halte sur Bordeaux.. Rien de grave, quelques sangles un peu laches qui avaient besoin d'être retendues. Le voyage risque d'être long, le soir nous sommes attendus tout de même...

Deuxième arrêt, (Bon ok, je lâche le mot : panne) sur la HST : le fil de bougie est venu fondre sur le cylindre. Coup de chance, un rouleau de Scotch neuf trouvé dans le fossé :).

Deuxième leçon (arrivés à notre point de chute en panique), éviter d'empreinter les 2x2 voies avec nos cagouilles, car l'entreprise s'avère risqué & vraiment très dangeureux...

Après quelques détours, ça roule enfin ... photo d'Hugo arrivant fièrement, après avoir perdu une pièce essentielle au bon fonctionnement du moteur (pièce appelée "presse citron"). quelques minutes d'attente pour ma part le temps de faire la mise au point (de la photo bien sûr).

Troisième leçon de la journée : bien étudier la route, même si on semble la connaitre. Car lorsqu'il s'agit de prendre la 2nd leçon en compte, ça complique un peu plus les choses surtout si en prenant les départementales.

Bien qu'étant parti assez tôt dans l'après-midi autour de 14h, on est arrivé sur les hauteurs d'Angoulême sur les coups de 21h. La nuit commençait à tomber, trop dangereux pour continuer.

Et c'est la que la quatrième leçon intervient : partir avec un système d'éclairage qui fonctionne pour être vu des autres, car une fois encore, ça devient très dangereux.

Heureusement, mes parents étaient sur le retour de la plage avec leur amie québécoise Claudette, ils sont venus à notre rencontre pour nous ramener aux bercailles, nous éclairant la route à travers une nuit noire. Non sans quelques sauts d'humeurs de nos montures (2 cables sectionnés sur le chemin + la patte de support béquille cassée). Mes parents ravis de faire parti du périple, comprennent rapidement dans quel engrenage ils viennent de mettre le doigt. Arrivée tout de même autour de minuit à la maison. Enfin...

Bilan : Un apprentissage intensif fait sur le tas, le manque de préparation était flagrant. Première chose qu'on fera le lendemain, acheter des éclairages (vélo).

Pour se remettre dans le contexte de l'époque. On sent bien que voyager était vraiment une aventure aux guidons de ces machines, car même étant victime de quelques pannes, il faut avouer que le confort de ces chevaux d'acier reste rudimentaire.

Je salue le courage de ces motards, qui dans les années 30, avaient des routes qui n'étaient pas exactement ce qu'elles sont aujourd'hui, je parle en terme de quantité & de qualité. Sans trop exagérer, je crois même qu'il s'agissait plus de chemins, sur lesquels, en plus des nombreuses ornières et nids de poule, il était fréquent de croiser des animaux de ferme dont quelques clous devaient être oubliés sur la chaussée.. oubliés, peut-être, mais pas pour les pneumatiques.Eh oui rappelons, qu'il n'était pas rare de crever plusieurs fois sur un trajet comme le nôtre. On a évité le pire...

Après une bonne journée de repos dorloté chez mes parents, le lendemain, la décision est prise de reprendre la route & ainsi regagner la Dordogne. La veille au soir, on décide alors de recharger les machines de nos paquets & de les laisser dehors pour décoller le matin à la fraiche.

Cétait sans compter avec l'orage accompagné de son averse...

Résultat, en plus d'avoir des motos complétement détrempées, plus d'allumage sur la HST ! Impossible de la faire tousser. C'est parti pour une matinée de sèche-cheveux puis démontage de la magnéto après avoir commis l'irréparable : faire tomber le petit charbon au fin fond de celle-ci.

Délicatesse d'Hugo, qui durant les réglages qu'il fallait impéritivement reprendre sur sa moto, je me suis vu coincé le doigt dans la chaîne reliant l'embrayage & la sortie moteur...

Pas de point de suture mais le départ se verra retardé d'un jour de plus.

Après notre départ de La Rochefoucauld ça roule bien, les contre-temps sont derriere nous, il faut redonner du rythme à l'aventure si on souhaite boucler ça en une semaine. Le temps est au beau fixe malgré les annonces d'orages qui veulent impérativement être du voyage.

Aux portes de la Dordogne, le sort a décidé de frapper à nouveau sans prévenir. Cette fois, la HLG tourne comme une patate... La moto ratatouille de plus en plus.

Petite pause méca pour comprendre ce qui se passe. On en déduit assez rapidement qu'il s'agit du carburateur.

Verdict : puits d'aiguille fendu en deux (pièce indispensable & très rare à trouver surtout sur le bord de la route ou dans un fossé). Heureusement pour nous, on avait prévu le coup, nous avions emprunté à un ami un carbu pour l'avoir d'avance.

Le carbu était censé fonctionner, en tout cas il avait fière allure. Donc c'est parti pour le mettre en place sur la machine. Remplacement des cables devenus trop courts & ajustement du nouvel élément.

Et hop, on redémarre la machine afin de tester si l'horlogerie est digne de porter ce nom.

Même symptôme, avec je dois bien l'avouer un effet un peu plus amplifié du phénomène, des coups de feu à la sortie du pot. Impossible de reprendre la route dans ces conditions. Le temps file, Hugo au téléphone avec le proprio du carbu, je m'affaire de nouveau au démontage de celui-ci. Constat effroyable, lorsque Hugo & moi, nous nous rendons compte que le puits d'aiguille était absent...

La photo du dessus, a été prise après ce moment-là. Nos humeurs étaient partagées, rire de la situation ou se laisser envahir par la frustration d'une mécanique ingrate.

Remise en question de la suite du périple. sachant que la nuit était en train de tomber, deux motards solitaires coincés sur un bord de route sur laquelle passe 2 voitures toutes les heures. Bref charmant programme...

Question à méditer : Retour sur Bordeaux et profiter de vraies vacances ou continuer à s'enfoncer dans notre bourbier?

On prend la pause & on relativise, de toute façon on n'avait pas d'autre chose à faire, la sérénité était la bienvenue.

Grâce à un habitant du bourg qu'on a croisé, la décision fut de rester! Car, au gré de la discussion il lacha qu'il y avait un collectionneur d'anciennes dans la commune d'à côté. Trop tard, pour partir à sa recherche. On mènera l'enquête demain... Ce soir, diner à la belle étoile avec bougie puis camping champêtre au milieu de nulle part. L'orage nous a épargnés, Saint Christophe le bienveillant a salué notre détresse. Et la bonne humeur est à nouveau au rendez-vous.

Il me tardait que le soleil se lève, pressé de trouver une solution au problème, je bondis dès les premiers rayons...

Hugo était encore plus chaud que moi puisqu'il partait faire de la moto en caleçon.

Les motos, au petit matin, nous ont sagement attendus. On plie bagages et on file sur la commune de Montbron, mener notre investigation. Aujourd'hui, le défi : trouver ce fameux puits d'aiguille & continuer notre route. Hors de question de dormir une nuit de plus par ici. Ce soir, c'est en Dordogne que nous serons...

Au gré de nos rencontres & des différentes discussions en commençant par le garagiste à l'entrée de la ville, poursuivant au bar restaurant au coin de la rue, nous voilà en train de faire la connaissance de Jacky, qui n'a pas hésité à faire le déplacement depuis La Rochefoucauld (...) pour nous venir en aide & voir des jeunes rouler en anciennes. Sacré esprit motard...

La gentillesse de son accueil & celle de Patrick (également collectionneur) nous a fait chaud au coeur. Ils nous ont dépannés tout en apprenant à nous connaitre, ça nous a même value un bon checkup de nos bécanes, de quelqu'un qui a l'expérience des anciennes, c'est sûr ça va tourner ! Bref, véritable échange entre passionnés, moments magiques qui ne donnaient pas spécialement envie de repartir. Après une bonne bière bien fraîche, il est temps de sonner le départ.

Le temps de se dire au revoir, nous revoilà repartis sur nos chevaux métalliques.

Nous voilà enfin arrivés à Brantôme. Petit coin de paradis, cadre idyllique pour rouler en anciennes.

Après avoir planté la tente dans un camping, nous filons en ville pour un bon restaurant. Nous arrivons trop tard faute de quoi nous nous rabattrons sur un snack...

Le lendemain, départ direction Sarlat en passant par Périgueux pour le déjeuner. Les machines maintenant domptées, cela ressemble maintenant à un vrai programme.

Le matin, c'est la pluie ou du moins les seaux d'eau qui font office de réveil ! Saint totophe a dû quelque peu détourner le regard...

Heureusement nous avions prévu le coup avec des sacs poubelle. La journée pluvieuse efface nos sourires mouillés... On prend son mal en patience à l'abri ! Un coup, le caprice des machines, l'autre, celui du temps, nous sommes encore mal menés.. mais pas la peine d'insister, on ne cédera pas ! il reste encore un peu de route à faire. Patrick, un ami de Bordeaux nous attend ce soir à Sarlat.

Arrivée à Sarlat (dans le Périgord) sous une pluie battante saluée également par un orage digne de ce nom, des trombes d'eau... Des problèmes avec nos mamies? il y avait longtemps... trop tard la HST d'Hugo a pris l'eau.

Heureusement, Patrick, non loin d'ici viendra à notre secours avec son camion.

Très agréable soirée au SEC en prévision ! & un bon lit...

Nouvel journée, nouveau programme !

Soleil, belles routes, restaurants & découverte du périgord noir. Du bonheur !

La troupe s'est agrandie, avec Patrick au guidon de sa Terrot HOS & Alain avec sa Gnome & Rhone Junior (des années 30), nous sommes fin prêts à affronter les routes sinueuses de la Dordogne (dans l'ordre sur la photo au-dessus, Hugo, Patrick, Alain & moi derrière l'objectif représenté par mon sac à gauche d'Hugo)

Les machines béquillées sagement. Les Terrot sont en force.

Après une première halte dans un garage rempli de vieilles machines, nous voilà partis à monter à l’assaut de Domme… Ville de pierre et de caractère nous offrant une vue magnifique !

On réenfourche nos fidèles destriers, on continue la route & nous marquerons une pause déjeuner au pied de Castelnaud-la-Chapelle.

Castelnaud-la-Chapelle par un temps magnifique.

Sourire éclatant, Hugo sortant du restaurant ayant goûté aux joies & plaisirs culinaires de la région..

Eh non, pas le temps de faire suivre le repas par une séance de farniente. Un ptit coup d'oeil sur la carte, nous longerons la Dordogne car la journée avance & les bons moments passent vite. Ce soir direction Sainte Foy la Grande.

Le trajet est très agréable, agrémenté de quelques haltes pour demander notre chemin ou admirer le paysage, un régal !

Le soir, arrivés à Ste Foy nous n’étions pas très motivés pour planter la tente… Nous voici partis à la recherche d’une chambre d’hôtes (ok il est 20h, ça ne sera pas facile... mais on a trouvé !)

Ca sent la fin de l'aventure, attablés dans un petit restaurant, nous refaisons le périple, avec beaucoup de satisfactions malgré les moments de galère qui prêtent à sourire aujourd'hui. Un dernier verre & l'addition, puis allons rejoindre ce lit douillet qui n’était pas à côté.

Le lendemain, dernier jour de notre virée.

Saint Emilion se trouvant sur la route, ça serait dommage ne pas aller prendre le café avec notre ami Vincent et pourquoi faire un petit bout de chemin ensemble, avant de le laisser retourner à ses travaux. La demi-journée pour regagner ce magnifique village, ça nous laisse un peu de temps devant nous.

On passera par les petites routes...

Malheureusement pour nous et Vincent, pas de café... Gros problème d’embrayage sur la moto d’Hugo, casse de quelque-chose.. mais quoi? Plus la niac du début… La moto d'Hugo donnant quelques signes de faiblesse déjà en début de matinée, ne voulait plus rien savoir une fois passé midi. Pas le temps de trouver un ptit endroit sympa pour poser la nappe. Coincés sur ce bord de route au milieu de nulle part, les ventres commencent à faire entendre leur mécontentement.

Pause déjeuner, il nous reste quelques rations de survie, mais il nous manque quelquechose pour accompagner le repas.. Cette fois, c'est Hugo qui s'y colle. Mais on fait évoluer nos demandes, on n'évoque plus les routes à prendre ou les villes, mais on vient demander un ptit bout de pain pour deux malheureux motards perdus & affamés...

On passe à table en attendant Eric venant à notre rescousse. Hugo sort son torchon, ah non c'est son gilet jaune...

Fin du périple, que j'aurais aimé voir se dérouler autrement. Eric qui a vraiment assuré et n'a pas hésité à venir nous récupérer entre Saint Foy & Castillon-la-Bataille après avoir reçu notre bouteille à la mer.

Merci Eric.

On sangle les mamies dans la remorque et on rentre sur Bordeaux.

Pour ma part, le retour dans la voiture à repenser à tout ça et à ce qu’on vient de vivre/de croiser sur le chemin, m'a laissé l'occasion de voir une autre façon de voyager et surtout à un autre rythme. Je suis ravi d’avoir eu la chance de faire cette route & partagé ces instants avec Hugo. Car même aux pires moments de nos mésaventures, les éléments & notre état d'esprit font que les choses se sont toujours transformées en fabuleuses rencontres, passionnés d’anciennes ou pas.

On a pu une nouvelle fois croiser l’entraide, flirter avec l’admiration, la curiosité, parfois même l’agacement chez certains automobilistes pressés. Mais dans tous les cas ça a été très enrichissant même pour les anecdotes.

Le trajet finalement fait ressemble à peu près à celui prévu initialement...

Berlin I : le coup d'essai

Partager cet article